"L'lncroyable histoire de l'île des Globulons" est mon premier ouvrage publié aux éditions Sydney Laurent.
Nous avons tous rêvé un jour d’une île merveilleuse, inondée de soleil, perdue au milieu de l’océan… Liane, Roc et Souche, nos trois jeunes Globulons, ont la chance de vivre en ce lieu paradisiaque totalement inconnu des hommes. Petits êtres étranges, dotés de quatre bras et d’une longue queue leur permettant d’aller d’arbre en arbre aussi aisément que des écureuils, ils vivent heureux, en totale symbiose avec la nature généreuse qui les entoure. Rien ne semble pouvoir perturber l’harmonie de ce paisible peuple ancestral jusqu’au jour où un naufragé vient s’échouer sur leur plage. Venu d’un autre monde, l’arrivée de ce conquistador va bouleverser l’existence de nos Globulons et leur faire vivre une aventure extraordinaire.
Laissez-vous, le temps d’une lecture, transporter par cette histoire fantastique …
Les premières pages:
Il était une fois, en des temps bien anciens dont seuls les lointains aïeux de nos lointains aïeux ont entendu parler, une île fantastique perdue au milieu d’un océan gigantesque, une île caressée jour après jour par les doux rayons du soleil des tropiques et nuit après nuit par la pâle lueur des étoiles. Une île bordée de longues plages d’un sable aussi fin que des grains de sel où les tortues de mer, selon un rite ancestral inscrit depuis toujours dans leurs gènes, venaient chaque année pondre des milliers d’œufs dont seules quelques petites tortues, plus chanceuses que les autres, atteindraient un jour l’âge adulte.
Sur ce bout de terre isolé au milieu des flots bleus de l’océan, loin de tout ce que l’on ose encore appeler civilisation, des forêts aux arbres plus beaux les uns que les autres s’étendaient à perte de vue. On y trouvait toutes espèces de pins, de chênes, de châtaigniers, mais aussi, longeant les côtes ensoleillées, des cocotiers aux noix pulpeuses, des palmiers aux dattes gorgées de sucre, des manguiers, dont les fruits étaient si juteux, que cela vous coulait le long des doigts, sans oublier les goyaviers, les papayers et toutes autres espèces d’arbres, dont les fruits aux saveurs exquises et aux parfums si suaves ne demandaient qu’à être cueillis et dégustés avec gourmandise. De joyeux ruisseaux s’écoulaient en jolies petites cascades ou en méandres paresseux, sillonnant monts et vallées, et apportant à cette nature flamboyante une touche rafraîchissante d’humidité qui faisait exploser les parfums embaumant des fleurs et les odeurs douçâtres de l’humus, de la mousse et des champignons aux arômes subtils que l’on trouve au plus profond des forêts. Une immense barrière de coraux millénaires protégeait les belles plages de sable des vagues, parfois très violentes, qui déferlaient, coléreuses, en multiples rouleaux d’écume depuis le large. Les grands prédateurs marins qui se cachaient au fin fond des plus profonds abysses de l’océan ne s’aventuraient jamais à proximité de ce rempart naturel qui leur aurait fendu la peau jusqu’aux entrailles avec autant d’efficacité que le tranchant effilé d’un rasoir. Dans cet abri naturel, dans ce lagon aux eaux turquoise et tempérées toute l’année, et année après année depuis toujours, toute une faune de petits poissons et crustacés, aux formes et aux couleurs les plus variées, prospérait paisiblement.
Voyez comme elle est belle cette île déserte sur laquelle l’homme n’a jamais posé le moindre petit orteil ! L’Homme, avec ses folies de conquête, de puissance, de fortune, de pouvoir, de domination… l’Homme ignore tout de l’existence de ce petit paradis terrestre, de cette île comme on en rencontre uniquement dans les rêves des petits enfants, ou parfois dans ces récits imaginaires des vieux conteurs d’histoires, ces histoires que l’on découvre quelquefois dans les livres pleins de poussière, dénichés dans le vieux grenier de la maison de nos grands-parents. Mais cette île paradisiaque dont je viens de vous dévoiler les charmes n’est pas exactement aussi déserte que j’ai pu vous le laisser entendre… Quoi ? Ah oui, je vois bien votre étonnement ! Vous vous dites : « Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Pourquoi dit-il que cette île est déserte alors qu’en même temps elle ne le serait pas vraiment ? » Eh bien, tout simplement parce qu’elle est peuplée depuis toujours de tout petits êtres étranges qui vont vivre avec nous, le temps de ce récit fantastique, une drôle d’aventure. Et cette histoire extraordinaire, je veux bien vous la dévoiler, à vous… et à VOUS seulement, mais à condition que vous me promettiez une chose très importante, qui est de ne jamais la répéter à personne, car cette histoire, et surtout le secret de son île, doivent rester à jamais ignorés des adultes. Alors, si vous me promettez de toujours tenir votre langue, toujours, alors j’accepte de vous confier ce grand secret dont je suis le gardien depuis que je suis un tout petit enfant et que j’ai toujours gardé enfoui au plus profond de mon cœur, comme le plus précieux trésor de ma vie.
Laissez-moi tout d’abord vous parler des petits habitants de cette île de rêve, les Globulons. Ils vivent sur cette Terre depuis la nuit des temps, bien avant que l’être humain fasse son apparition sur cette planète, et aussi loin que les galets, inlassablement roulés et polis par les vagues, puissent s’en souvenir, les Globulons ont toujours été là, sur cette île. Ce sont de tout petits bonshommes, hauts comme cinq noix de coco que l’on aurait empilées les unes sur les autres et bien qu’étant adultes, ils ont la taille et les proportions d’un bébé. Vous qui êtes de bons observateurs, n’avez-vous jamais remarqué que la tête des nouveau-nés est énorme en proportion de leur petit corps de bébé ? Eh bien, les Globulons adultes sont comme des petits nourrissons d’homme, mais le plus surprenant, c’est que la nature les a dotés de quatre bras, prolongés de jolies petites mains de six doigts très élégants, longs et fins. Chacun de leurs doigts possède quatre phalanges, ce qui le rend extrêmement flexible et préhensile. Mais aussi, et cela va sûrement vous surprendre, leur colonne vertébrale se prolonge d’une longue et élégante queue, un peu comme celle des petites souris. Les Globulons sont un peuple pacifique qui vit heureux et en parfaite harmonie avec la nature de son île natale.
L’océan et l’immense forêt apportent à ces petits êtres inoffensifs bien plus que ce qui est nécessaire pour subvenir à leurs besoins. Leur minuscule corps, dépourvu de toute pilosité et d’une couleur d’un léger vert feuillage, comme le camouflage d’un treillis de soldat, leur permet de se dissimuler au milieu des plantes verdoyantes de cette île. Oh, bien sûr, leur taille minuscule pourrait être un handicap important lors de rencontres avec les animaux sauvages de la forêt, mais leurs quatre petits bras, étonnamment souples, et leur longue queue filiforme qui s’accroche avec une telle aisance à tout branchage, permettent à ces petits êtres malicieux de grimper dans les arbres au moindre danger, avec une agilité et une rapidité telles qu’aucun animal ne peut les suivre. Leur peau couleur feuillage les aide également beaucoup pour se camoufler de la vue des prédateurs dans les grands arbres centenaires de leur forêt. Depuis l’origine de leur espèce, ils ont appris à détecter tous les dangers de leur île. Pour cela, ils utilisent leur ouïe et leur odorat, très fortement développés, car contrairement à l’homme qui ne connaît plus aucun prédateur à l’exception bien sûr de ses propres congénères, et qui ne sait plus utiliser les dons que la nature lui a donnés pour apprécier le monde qui l’entoure, les Globulons exploitent leurs cinq sens, car ils sont vitaux pour tous. Ils leur permettent de détecter et d’identifier les autres créatures bien avant que ces dernières ne les voient, ainsi, ils peuvent à la moindre alerte d’un danger se mettre très vite à l’abri. Ils sont également, grâce à ces dons de la nature, de redoutables pisteurs de gibiers et des chasseurs inégalables que tous les prédateurs de cette île redoutent et évitent autant qu’ils le peuvent. Ces carnassiers sauvages préfèrent en général fuir les petits Globulons que de les choisir pour festin. Pourtant, même si cela reste exceptionnel, il arrive parfois qu’un de ces petits êtres, trop imprudent ou insuffisamment attentif, tombe entre les pattes d’un carnassier zélé et trop affamé pour choisir une proie plus facile. Lorsque par malheur cela se produit, les Globulons sont évidemment très affectés par la disparition de l’un des leurs, mais ils ne gardent aucune rancœur contre l’animal, ils ne cherchent pas à se venger. Les carnassiers chassent pour vivre, sans aucune haine ou animosité, c’est une question de vie ou de mort pour eux. Soit ils parviennent à attraper une proie pour pouvoir se nourrir, soit ils meurent de faim. Et leurs victimes sont souvent des animaux affaiblis par des blessures ou la maladie, ainsi, ils participent à une sélection naturelle qui aide à la survie des animaux dont ils se nourrissent et à la leur. Seuls les plus forts et les plus malins survivront, aussi bien chez les prédateurs que chez les proies. Évidemment, on pourrait trouver cela cruel et injuste, mais c’est la loi de la nature, les Globulons l’ont compris et l’acceptent depuis toujours. Ils ont conscience de faire partie intégrante de l’environnement qui les entoure et en acceptent les règles, ainsi, même s’ils se font dévorer, ils ont le sentiment de rester un peu immortels, car ils s’intègrent instinctivement dans le cycle éternel de la nature. Le peuple des Globulons sait qu’il fait totalement partie de cet équilibre naturel et c’est probablement la raison pour laquelle lorsque l’un d’entre eux, trop âgé et épuisé par le poids des années s’endort pour se reposer à jamais, il n’est ni enterré ni incinéré, mais simplement déposé sur un lit de mousse fraîche, entouré de fleurs multicolores, en plein milieu de la forêt, au pied des grands arbres centenaires qui l’ont vu grandir. Son corps est ainsi restitué à la nature qui l’a nourri et il peut alors lui rendre ce qu’elle lui a offert et participer à l’équilibre sacré qui régit toute l’harmonie de la vie sur cette île.
Tout au bout de la falaise, au milieu d’une jolie clairière traversée par un charmant petit ruisseau qui se jette dans l’océan tout proche, les ancêtres des Globulons ont établi jadis le village qui les abrite. Une palissade de petits rondins de bois disposés tout autour de cette petite cité protège du mieux qu’elle le peut la petite ville contre les visiteurs indésirables. Un fossé alimenté par l’eau du ruisseau vient doubler la protection de la petite muraille. De plus, comme ils ont parfaitement conscience que leur petite taille les rend particulièrement vulnérables, les Globulons alimentent en permanence des feux en différents points du village. Ces bûchers qui brûlent aussi bien la nuit que le jour, éloignent les animaux qui fuient la moindre odeur de feu. Depuis toujours, ces protections ont démontré leur efficacité et jamais, de mémoire de Globulon, aucun prédateur ne s’est aventuré à l’intérieur des murs du village. À tour de rôle, tous les Globulons adultes du village, hommes comme femmes, participent à de petits groupes chargés de veiller sur les feux et de monter la garde afin de s’assurer qu’aucun danger ne menace la population. Les deux portes de la cité, situées côté lever du soleil pour l’une et côté coucher pour l’autre, sont ouvertes chaque matin au lever du jour et refermées chaque soir lorsque le couchant vient enflammer l’horizon au-dessus de l’océan. C’est une règle immuable et respectée de tous les villageois depuis toujours. Tous les Globulons savent qu’ils doivent être rentrés avant la nuit, avant la fermeture des portes de la petite ville. Plusieurs centaines de Globulons vivent ainsi, en famille et en parfaite harmonie, dans cette cité proportionnée à la taille de ses habitants, où les petites maisons aux murs faits de terre séchée, de pierre ou de bois et dont les toits, le plus souvent faits de chaume, sont percés de petites cheminées qui fument le soir dès la tombée du jour.
Tout le petit village vit ainsi heureux et comblé. Les jours s’écoulent, les uns après les autres, tranquillement depuis des millénaires, et rien ne semble indiquer qu’il pourrait en aller différemment dans les prochains millénaires. Il n’y a probablement pas de recette miracle au bonheur et à l’harmonie de ce petit peuple, mais il y a probablement de nombreux sujets de querelles faciles qu’ils ont su éviter. Les Globulons n’ont jamais de points de discorde tels que ceux qui déclenchent trop souvent les disputes, les affrontements et malheureusement quelquefois des guerres meurtrières entre les hommes. Par exemple, chez eux, l’argent n’existe pas ! À quoi servirait-il ? Il n’y a rien à vendre ni rien à acheter, pas de riche et pas de pauvre, la nature leur offre tout ce dont ils ont besoin. Ils savent échanger entre eux les services ou denrées sans chercher à savoir si l’une a plus de valeur que l’autre, et si certains, avec l’âge ou la maladie, sont trop faibles pour la cueillette, la chasse ou la pêche, il ne manque personne pour leur venir en aide. Chacun sait qu'il est un élément d’une même chaîne dont chaque maillon est vital pour le reste de leur espèce. Le peuple des Globulons n’a ni chef, ni roi, ni reine, et par conséquent ni prince, ni princesse, ni personne qui commande en son propre nom l’ensemble de la population. Évidemment, des décisions importantes doivent parfois être prises et c’est au Conseil des Anciens d’en assumer la charge. Tous les centenaires du village, hommes et femmes, participent à cette réunion de vétérans. Et des centenaires, sur cette île à l’existence millénaire, il n’en manque pas, car ces petits êtres vivent aussi longtemps que les grosses tortues que l’on voit tranquillement pâturer dans les clairières. Ils vivent bien plus longtemps que les hommes que nous connaissons aujourd’hui, et restent néanmoins en parfaite santé avec un esprit vif et affûté. Il n’est pas rare de voir des anciens dépasser largement les cent cinquante ans tout en gardant une forme exceptionnelle. Il faut dire aussi qu’il y a très peu de maladies sur cette île isolée de tout. Depuis l’origine des temps, elle n’a jamais été infestée par des microbes inconnus importés par des colons venus d’ailleurs. Et pour les contaminations insulaires, l’organisme des Globulons s’est immunisé petit à petit de manière naturelle contre la plupart des virus locaux. Quant aux autres maladies et petits maux qui subsistent, ils ont depuis longtemps appris à utiliser les propriétés pharmaceutiques de la multitude des plantes endémiques pour s’en prévenir. Afin que toutes les idées soient représentées au conseil, chacun des anciens invite deux autres personnes du village, âgées de huit ans, minimum. Les décisions sont prises après que chacun a donné librement son avis et que tous l’ont écouté dans le calme et le respect sans jamais l’interrompre. La décision finale reste toujours du ressort des anciens, et ce choix est accepté unanimement par l’ensemble du village sans aucun ressentiment. Tous ont confiance en leurs aïeux, aucune raison de penser à corruption ou intérêts personnels puisqu’il n’existe ni argent ni richesse ! Seul l’intérêt général prime, bien loin devant toute préoccupation individuelle, car l’histoire et la survie de leur petit peuple leur ont démontré que servir l’intérêt collectif est le meilleur moyen, à terme, de servir l’intérêt de chacun.
Les Globulons n’ont ni Dieu, ni prophète, ni aucune divinité devant laquelle s’incliner ou pour laquelle se battre. Ils n’ont donc pas de croyance, pas de religion pour les diviser. La seule chose qu’ils respectent sans limites n’est pas un Dieu, mais juste la mère Nature qui les entoure et leur offre tout simplement la vie ! Pas d’argent, pas de pouvoir, pas de politique, pas de Dieu… donc pas de sujet de discorde chez les Globulons. Ah oui, bien sûr, il pourrait y avoir l’Amour. Cet Amour, ou plutôt cette jalousie qui parfois peut déclencher des bagarres, des crimes, des guerres… Cet Amour qui peut rendre fou les jaloux ou les possessifs, mais ce beau et noble sentiment, parfois si fort, qu’est l’Amour est chez les Globulons une chose pure et surtout, intrinsèquement liée à un immense respect de l’autre, dépourvue de toute forme de soumission, de domination ou de possession. Chacun est libre et peut laisser son cœur battre la chamade sans limite pour la personne qu’il aime, du moment que c’est réciproque.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce peuple cultivé que sont les Globulons ne connaît pas l’écriture. Vous pourriez penser qu’ils sont encore à l’âge de la préhistoire, mais pas du tout, leur savoir se transmet de bouche à oreille, de génération en génération, depuis l’origine des temps. Aucun écrit, aucun papier, aucun livre à brûler et aucun ouvrage auquel prêter allégeance au nom de l’on ne sait quelle idée. Toute leur histoire, leur savoir, leur science se sont transmis ainsi, uniquement de la parole des anciens vers la mémoire des jeunes générations. Ceci explique pourquoi les Globulons ont développé une mémoire infaillible, capable de stocker autant d’informations que de grandes bibliothèques ou d’immenses ordinateurs. Ils savent écouter très attentivement, ce qui leur permet d’enregistrer intégralement, et sans erreurs, les récits de leurs aînés afin de pouvoir les retransmettre plus tard à leur descendance. Les jeunes Globulons ne vont pas en classe, cependant, ils doivent accompagner chaque matin les anciens qui ont pour devoir de les instruire lors de promenades dans la nature. Lors de ces excursions matinales, ils leur expliquent tous les secrets du monde qui les entourent, comment chaque plante et chaque animal participe à l’équilibre de l’ensemble. Ils leur enseignent également l’art de la chasse et de la pêche, comment se protéger des prédateurs, les pouvoirs de guérison ou de toxicité que possèdent certaines plantes et certains fruits. Les anciens sont aussi les détenteurs de l’histoire du peuple des Globulons et les jeunes élèves sont toujours très friands des récits de leurs vieux professeurs, surtout lorsque des anecdotes truculentes les accompagnent.
Tous les après-midis sont libres pour les jeunes Globulons, ils peuvent ainsi profiter de ces demi-journées pour se dépenser physiquement dans la nature et pour mettre en pratique les enseignements matinaux de leurs instructeurs. C’est ainsi que par ce bel après-midi, non loin de leur village, Liane, Roc et Souche, les trois ados inséparables se retrouvent comme pratiquement tous les jours depuis qu’ils sont tout petits. Ils aiment découvrir ensemble les plaisirs et toutes les merveilles de leur île natale, cette terre qui a vu grandir tous leurs ancêtres et verra également évoluer leurs descendants. Ils ont l’interdiction de s’éloigner du village, car ils sont encore bien jeunes et insuffisamment instruits pour pouvoir affronter les dangers de la grande forêt. Il est parfois arrivé que de jeunes Globulons imprudents se soient risqués trop loin de leur village et ne soient jamais revenus dans leurs familles. Nos trois amis le savent et, malgré l’attraction irrésistible que représente pour eux cette nature inconnue, ils savent être sages et rester à proximité de la petite cité pour s’amuser à grimper le plus vite possible dans les arbres. Avec leurs quatre bras habiles et leurs deux petites jambes musclées, ils n’ont aucune difficulté pour escalader les grands chênes millénaires. Avec leur longue queue, ils aiment se laisser pendre et contempler leur monde depuis les cimes des grands cèdres, tête à l’envers en se balançant au gré du vent. Ils sautent de branche en branche, d’arbre en arbre, jouant dans les hauteurs végétales comme de tout petits singes malins. C’est très drôle et tellement facile pour eux, avec leurs mains et pieds à six doigts chacun et cet appendice caudal particulièrement développé et tactile qui s’accroche facilement à n’importe quel support. Cet après-midi-là, alors qu’au large, bien loin au-dessus du grand océan inconnu, le ciel s’assombrit et se couvre de lourds nuages noirs, ils jouent comme des petits fous à qui sera le plus rapide, le plus agile ou montera le plus haut dans les arbres. Liane, la jeune Globulone, la plus sage de l’équipe, est la plus agile pour sauter d’un arbre à la branche de l’arbre voisin. Roc, le plus téméraire de la bande, est le plus intrépide pour monter à la cime des arbres. Souche, quant à lui, est un peu défavorisé par un léger embonpoint qu’il doit à sa gourmandise sans limites, mais il se rattrape largement sur tous les jeux de force car il est de loin le plus costaud des trois, et probablement le plus fort de tous les jeunes Globulons du village, c’est également un très fidèle ami qui adore rigoler. Alors que notre île est encore tout inondée dans la lumière de cette fin d’après-midi, loin au large, un noir d’encre a englouti tout l’horizon, des éclairs éblouissants déchirent maintenant les ténèbres et claquent violemment dans un fracas assourdissant, qui malgré la distance fait trembler le sol de l’île des Globulons. Le spectacle est féerique, magique, mais également très angoissant pour nos trois jeunes Globulons qui se sont arrêtés de jouer pour admirer cette scène, digne d’un décor de film d’horreur. Ils sont assis tous les trois, côte à côte, sur le tronc d’un vieux chêne tombé depuis longtemps sur le bord de la falaise, face à l’éternité de l’océan. Jamais de leur vie ils n’ont vu une aussi terrible tempête. Liane, terriblement effrayée par ce ciel en furie et par l’intensité des éclairs qui s’enchaînent sans relâche, se serre contre Roc. Derrière la dépouille du vieil arbre couché, sa petite queue enlace tendrement celle de son ami, à la recherche d’un réconfort. Roc se laisse faire et, un peu fanfaron, comme si tout ce déferlement de fureur ne l’impressionnait pas le moins du monde, s’exclame :
— C’est vraiment génial, un vrai spectacle !
— Génial ? Si on veut… moi, Roc, ça me fait très peur. Je suis bien contente d’être là, en sécurité sur notre île, plutôt que tout là-bas au milieu de ce déchaînement de colère macabre, répond-elle, en pointant brusquement de l’un de ses petits doigts un nouvel éclair qui vient de zébrer l’horizon dans un boucan d’enfer.
— Ouais, moi non plus ça m’plaît pas beaucoup lorsque le ciel et l’océan s’déchaînent comme ça. Et puis, après un petit moment de réflexion, Souche ajoute :
— Qu’est-ce que vous croyez, vous, qu’il y a tout là-bas, au-delà d’cet orage ?
— J’en sais rien, les anciens disent qu’il y a rien d’bon pour les Globulons au-delà d’l’océan. Certains d’nos ancêtres s’y sont aventurés, y a bien longtemps. Ils voulaient découvrir c’qu’il y avait de l’autre côté, voir s’il existait des Globulons sur d’autres îles, quelque part au loin, mais y sont jamais revenus, on les a jamais revus. Il se dit au village que le fond des océans a repris possession de leurs corps, répond Liane.
— Après tout, peut-être qu’il n’y a rien du tout ! Peut-être que notre île est seule au monde et qu’il n’existe pas d’autres Globulons que nous. Peut-être même qu’il n’y a que de l’eau, rien que de l’eau, toujours de l’eau à l’infini ! répond Roc en regardant l’océan d’un air penseur.
Un grand silence s’installe. Nos trois compagnons restent rêveurs à observer et écouter l’orage qui ne cesse de monter en puissance et de gronder tout là-bas, au loin sur l’océan. Les éclairs zèbrent maintenant l’encre noire de l’horizon sans relâche et le tonnerre frappe la terre comme un roulement de tambour perpétuel. Puis, d’un coup, Souche brise le silence :
— En tout cas, moi j’m’y aventurerai jamais là-bas. J’suis trop bien sur notre île. Aucune raison d’aller défier la mer et l’ciel pour finir noyé au milieu des poissons… Allez, rentrons, il s’fait tard et si on traîne trop, on va s’faire gronder. Et mon paternel, quand il se fâche, croyez-moi, le tonnerre c’est d’la rigolade à côté. Et en plus, quand il crie, il postillonne tellement qu’on se croirait dans les embruns d’une mer déchaînée. Ça, c’est pas de la rigolade mon paternel en colère, ses yeux lui sortent des orbites tellement il est furieux, on dirait qu’ils vous envoient des éclairs, ça mon père, pas besoin d’aller en mer pour voir ce que c’est qu’une tempête, c’est un ouragan à lui tout seul ! »
Notre trio rit de bon cœur et repart d’un pas assuré pour le village. Liane mène la marche d’un bon rythme :
— Allez les moussaillons, si vous ne voulez pas que Souche se retrouve englouti dans la furie d’une tornade familiale, il faut vite rejoindre le port avant la nuit !
Les remparts de la petite ville apparaissent bientôt au bout du chemin. Les feux de protection, comme des phares, sont visibles de loin et leur fumée parfumée monte lentement dans le ciel encore bleu de l’île. À l’approche de la ville, Roc jette un dernier coup d’œil par-dessus son épaule : « Qui y a-t-il donc au-delà de cet horizon lointain ? songe-t-il. D’autres Globulons, de lointains cousins ? Ou bien des monstres cruels et effrayants ? Ou bien… Ou bien peut-être rien du tout ? »...